Des conseils pour choisir et mieux utiliser votre appareil photo par Jean-Christophe Dichant

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Qu'est-ce que la pose longue en photographie : tentative de définition

La pose longue est une technique qui consiste à utiliser des temps de pose de plusieurs secondes ou dizaines de secondes pour donner à vos images un rendu bien particulier. Cette définition couramment rencontrée n’est peut-être pas la seule et la réalité est parfois toute autre. Voici pourquoi.

Définition de la pose longue en photographie - Photo COpyright Patrick Dagonnot http://www.chambrenoire.fr

Pose longue en photographie – Photo (C) Patrick Dagonnot

Cet article vous est proposé par Régis Falque, un de nos lecteurs qui a répondu à notre appel à publication. Retrouvez Régis Falque sur le site www.regisfalque.be ainsi que sur 500px et Facebook.

Nous avons publié un dossier Pose Longue qui vous explique comment mettre en œuvre cette technique de façon pratique. Comme toute technique générant un effet créatif bien particulier, il est également intéressant de chercher à savoir ce qu’est vraiment la pose longue, quand est-ce qu’il faut parler de pose longue (ou pas), et comment mieux la définir.

Il y a, dans le discours photographique, des questions qui reviennent. Parmi elles, en voici une : Qu’est-ce que la pose longue (entendre par là : « à partir de quel temps de pose y a-t-il “pose longue” »).

Les voix de réponses sont multiples. Le discours photo-artistique contemporain (principalement celui du net) a une certaine tendance à suivre la voie de l’empirisme. Mais celle-ci semble, à bien des égards, dérangeantes. S’il est une motivation du présent article, c’est bien celui de sortir des sentiers battus. Car il est commun de lire des répliques du type « chacun ses goûts », « on est pas tous obligés d’aimer », « moi je vois autre chose », etc.

J’entrevoie dans ces paroles un constat d’échec face à une question posée. Enfin, même si l’empirisme et le subjectif ne sont pas à rejeter, il est intéressant de confronter la question de la « pose longue » à autre chose, de sortir du champ empiriste pour étudier cette question photographique sous un autre angle.

Par le raisonnement, il s’agit de tenter de cerner la base minimale d’une photographie réalisée en « pose longue ». Je vais cependant m’appuyer sur un seul et unique postulat, inspiré de l’expérience sensible que l’on a de la photographie. La pose longue « donnerait à voir » plus que ce que l’œil humain peut cerner.

Prenons un exemple très simple : lorsque je photographie une mer agitée à l’aide d’un filtre à densité neutre, l’image qui en résulte est une mer plate, tel un banc de brume flottant au milieu des limbes. Je ne vois qu’une succession de vagues, alors que mon appareil me montre un « flux » de vague, tels ces flux de personnes, foule photographiée durant plusieurs secondes.

La pose longue joue, comme son nom l’indique, avec le temps. Certes, la photographie, c’est une habile adéquation entre espace, temps et technique. Mais il semblerait que le modus operandi de cette pose longue soit le temps, de manière plus spécifique qu’ailleurs. La pose longue « donne à voir » un moment s’inscrivant dans une durée, et son résultat « condensé » en une seule image.

Qu’est-ce que la perception du temps ?

Nous possédons des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un nez pour sentir, des récepteurs pour goûter et des nerfs pour le toucher. Ces cinq sens sont constitués de récepteurs sensoriels, interface indispensable entre le « monde extérieur » et notre corps.

Commençons par aborder le temps sous cet angle. Active-t-il nos récepteurs sensoriels ? D’un point de vue physiologique, la réponse est non. Si l’on ne peut voir le temps, on peut par contre le percevoir. La perception se définit comme une « idée, compréhension plus ou moins nette de quelque chose ». Cette perception du temps repose traditionnellement autour de trois concepts :

  • la perception des durées,
  • la perception et la production de rythmes,
  • la perception de l’ordre temporel et de la simultanéité.

Notre perception du temps est fondamentalement liée à l’espace (on parlera également d’espace-temps). Nous repérons des événements physiques qui, par leur nature, nous indiquent que le temps s’écoule (les aiguille d’une montre qui avancent, une cascade qui coule, etc.), s’écoulera (un objet en train de tomber et dont le sort inévitable est de finir brisé dans un futur plus ou moins proche) ou s’est écoulé (retrouvailles entre amis de longue date devenus vieux, visite de monuments historiques).

On ne peut « vivre une durée », on ne peut que vivre une succession de présents. Par contre, on peut avoir conscience et percevoir la durée, en assemblant mentalement la somme des présents vécus et logés dans notre mémoire. L’idée d’immédiateté, inhérente à la perception de ce qui est (le présent), rend impossible la vision directe d’un moment s’inscrivant dans la durée. N’existe-t-il pas pour autant un moyen de voir la durée, l’englober d’un simple regard ?

La pose longue en photographie

Le temps ne peut être vu en raison de l’absence de récepteurs sensoriels prévus à cet effet. Par contre il peut être perçu. Distinguons maintenant deux « dimensions » : l’échelle atomique et l’échelle humaine. Si l’on s’en tient à la première, il y a dans une fraction de seconde une succession de présents, de moments t1, t2, t3, etc. On dira d’ailleurs que dans une seconde, il y a une infinité de moments.

Mais à l’échelle humaine, la notion de présent, le ressenti qu’on a du temps qui passe, peut se mesurer. En effet, « toute l’information traitée par le système nerveux à l’intérieur d’une période de 20ms environ est intégrée en un seul échantillon. ». Durant ce laps de temps de 20 ms se déroule toute une série de modifications spatiales de corps physiques en mouvement (et une série d’informations que le système nerveux traite).

À l’échelle humaine, le moment perceptuel est par contre le plus petit instant « conscientisable » et surtout notre sensation d’être là, ici et maintenant. Vous suivez toujours ?

La pose longue comme dépassement du moment perceptuel

Considérons notre perception, toujours à l’échelle humaine. Peut-on voir un moment dont la durée est supérieure à 20 ms ? D’un point de vue physiologique, la réponse est non. Ainsi donc, il existerait une unité de temps physiologique, une base de temps insécable à partir de laquelle se construiraient toutes nos évaluations de durées. Le mouvement d’un corps physique d’une durée de 40 millisecondes serait l’addition de deux échantillons distincts (chacun de 20 ms).

Le cerveau reconstruit une logique entre les deux événements, et nous donne une impression de continuité, mais d’un point de vue temporel le corps humain perçoit un temps t1, puis un temps t2 de manière distincte. Quel procédé permettrait de voir, d’un simple « coup d’oeil », en « une fois », sans devoir additionner mentalement un temps t1, t2; t3,… un moment s’inscrivant dans la durée ? Et si la réponse se trouvait dans la photographie ?

Puisque notre perception du temps est irréductible à 20 ms, toutes images donnant à voir un moment d’une durée supérieure à ce laps de temps montrerait ce que le corps humain ne peut voir : à savoir un moment s’inscrivant dans une durée.

La pose longue pourrait donc être définie comme un processus permettant de capturer plusieurs moments perceptuels, soit une pose d’une durée supérieure à 20 millisecondes… ou 1/50e de seconde.

QUESTION : et pour vous, qu’est-ce que la pose longue en photographie ? Laissez un commentaire et lançons le débat !

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4 Commentaires sur "Qu'est-ce que la pose longue en photographie : tentative de définition"

  1. J’aime bien cette article.
    En revanche je reste très pratique en disant que la pose devient lente, lorsque le risque de bougé est inévitable à main levée.
    Pour certain se sera à partir de 1/50 pour d’autre se sera peut-être 1/15 ou 1/30 de sec.
    L’utilisation d’une vitesse lente implique ,évidement, la réflexion préalable du rendu de l’image par son auteur.

  2. Article intéressant et certainement documenté dans des domaines scientifiques (par exemple les durées perceptuelles autour de 20ms) et philosophiques (je vois la patte de Saint-Augustin dans l’idée que seul le présent existe : en gros St Augustin dit que seul le présent a un « être » : le présent du passé c’est la mémoire, le présent du futur c’est l’imagination, et le présent du présent c’est la perception et l’action !

    OK, mais conclure de ces données scientifico-philosophiques qu’une photo en pose longue redonnerait une réalité à l’écoulement du temps en superposant tous les instants du passé sur une seule photo, là il y a une affirmation très contestable. Pour cela, mieux vaut une série de photos des instants successifs passés (une vidéo ferait très bien l’affaire).

    Je crois que la pose longue n’a pas à se justifier par des démonstrations scientifiques ou philosophiques. La pose longue produit un certain effet qu’on aime ou qu’on aime pas, et cela suffit à chaque photographe pour la choisir ou pas : c’est un choix artistique essentiellement. En tout cas, perso, les photos en pose longue (que je trouve rarement belles) me donnent plutôt l’impression de détruire toute idée de mouvement et de figer le temps : flots, astro, …). L’idée de mouvement est mieux rendue par des filés par exemple.

  3. La pose longue « donnerait à voir » plus que ce que l’œil humain peut cerner.

    La pose courte aussi. 🙂

  4. Belle réflexion.
    Très claire, facile à suivre. Pourquoi ne pas définir la pose longue ainsi.