Savez-vous qu’un Français sur trois porte des verres de lunettes Nikon ou BBGR ? Savez-vous aussi qu’ils sont fabriqués en France, à Provins ? Voici ce qu’il faut savoir sur la fabrication des verres dont Nikon s’est fait une spécialité depuis 1946 et des photos de l’usine BBGR de Provins.
Les verres de lunettes Nikon, une longue histoire
Les objectifs Nikon constitués de verres Nikon, je connaissais. Les verres optiques (ou ophtalmologiques) Nikon aussi, j’en porte. Mais je n’avais aucune idée de comment ces verres étaient fabriqués. Ce n’est pourtant pas bien loin de chez moi, puisque Provins, où se trouve l’usine Nikon BBGR, est à une heure à peine de la capitale. BBGR ? Oui, car les verres de lunettes Nikon vendus en France (plus gros marché mondial rapporté au nombre d’habitants) sont fabriqués par BBGR, un acteur français du verre optique depuis 1846, en collaboration avec Nikon Japon.
Après un long voyage au Japon en 2018 pour visiter l’usine de production des Nikon Z 6 et Z 7, j’ai eu l’opportunité de visiter l’usine Nikon BBGR, bien plus proche, et d’en savoir plus sur la marque et la fabrication.
Pour Nikon, tout commence au Japon en 1917
En 1917, Nippon Kogaku K.K. se forme au Japon grâce à un investissement de Koyata Iwasaki, le président de Mitsubishi (marque toujours actionnaire de Nikon Corp.). Nippon Kogaku K.K., qui deviendra Nikon en septembre 1946, se spécialise dans la production d’instruments optiques et la fabrication de verre optique.
En 1946, Nikon commercialise son premier verre de lunettes, le « Pointal », et s’établit comme une marque innovante dans le domaine de l’optique ophtalmique. En 1983 Nikon introduit le premier revêtement anti-reflet avec résistance aux rayures, utilisant la nanotechnologie. En 2000, le premier verre à indice ultra-élevé 1.74, révolutionnant les matériaux de verres plastiques, fait son apparition.
En 2002, « SeeMax » est le premier verrs de lunettes Nikon unifocal personnalisé selon la forme de la monture. En 2004, « Nikon W » est le premier verre progressif personnalisé double face Nikon. Oui, vous avez bien lu, mes verres de lunettes (et les vôtres aussi peut-être) sont aussi évolués que les lentilles de vos objectifs Nikon.
Tout commence par une prescription
Pour BBGR, tout commence en France en 1836
Au XVIIIe siècle, un artisan nommé Bourot fabriquait des verres de lunettes à Sézanne en Champagne-Ardenne. En 1836, il s’associe avec Louis Berthiot pour fonder une des premières usines de verres optiques au monde.
Louis Berthiot rachète des moulins en 1846 pour y établir ses ateliers. Son fils Alfred est le premier en France à utiliser une machine pour tailler les verres cylindriques, corrigeant ainsi l’astigmatisme. La société prend le nom de Benoist-Berthiot & Cie en 1870 (le BB de BBGR). J’ai encore dans ma vitrine le reflex Royer Savoy de mon père, équipé d’un objectif Berthiot.
À la fin du XIXe siècle, un atelier de fabrication de verres s’installe à Progélot, près de Provins, utilisant l’énergie hydraulique pour le surfaçage des verres. Gaston Guilbert, un opticien parisien, rachète cet atelier en 1904. Après sa mort en 1924, la fabrique devient SARL Guilbert-Routit (le GR de BBGR, vous suivez ?).
Le site de Provins est aujourd’hui le plus grand centre de développement et de production de verres en Europe. En 1974, Benoist-Berthiot et SARL Guilbert-Routit fusionnent pour créer BBGR SAS.
le verre organique semi-fini qui sert de base à l’élaboration du verre fini
Nikon, Essilor et BBGR, le trio gagnant
En 2000, la joint-venture entre Essilor et Nikon Verres Optiques représente un partenariat stratégique qui allie les compétences et les technologies de deux leaders du domaine optique.
Essilor, société française, est mondialement reconnue pour son expertise dans la fabrication de verres ophtalmiques et de produits liés à la vision. Nikon, connu mondialement pour ses appareils photo et objectifs photographiques, apporte son expérience en optique de haute précision.
Depuis 2016, BBGR Provins est chargé de la fabrication et de la commercialisation des verres optiques Nikon en France. Cette collaboration unit la technologie japonaise de Nikon au savoir-faire français de BBGR dans la production de verres de lunettes.
les verres sont transportés de postes en postes sur un chemin roulant mécanique
Les verres de lunettes Nikon sont calculés au Japon …
Lorsque votre opticien envoie sa commande chez Nikon BBGR, le processus de fabrication est lancé. BBGR choisit le bloc semi-fini adapté, fabriqué dans l’usine de Sézanne. Ce bloc est en verre organique plus léger et résistant aux chocs que le verre minéral, ce qui le rend plus adapté à un usage quotidien. L’étape suivante consiste à envoyer la prescription au Japon, chez Nikon Hiraki Glass, à l’aide d’une machine de conception japonaise.
Nikon Hiraki Glass est une installation japonaise dédiée à la production de verre optique de haute qualité. Sa spécialité réside dans la fabrication de verres optiques utilisés non seulement dans le secteur de la lunetterie, mais aussi dans une variété d’applications industrielles et scientifiques, telles que les appareils photo, les microscopes et les instruments de mesure.
chaque verre semi-fini se voit coller un support pour faciliter sa manipulation pendant la fabrication
… puis fabriqués à Provins
Les caractéristiques précises des verres de lunettes Nikon à fabriquer reviennent chez BBGR à la vitesse de la lumière, permettant au fabricant français de concevoir et livrer votre opticien en 48 heures. Un délai très court pour effectuer les différentes opérations, depuis le travail sur le verre semi-fini jusqu’à la livraison partout en France.
le verre semi-fini prêt à subir les opérations de découpe
Voici un aperçu général de ce processus.
Conception, prescription et choix du matériau : Tout commence par une prescription détaillée basée sur les besoins visuels spécifiques du porteur. Nikon utilise des matériaux de haute qualité pour ses verres, comme le plastique à indice ultra-élevé pour une légèreté et une finesse optimales.
Découpe et mise en forme : Les verres semi-finis sont ensuite découpés et mis en forme en fonction des dimensions spécifiques de la monture du porteur. Cette étape utilise des machines de précision pour garantir l’exactitude des dimensions.
Traitement de surface : Les verres subissent divers traitements de surface, comme le polissage et les revêtements anti-reflets, anti-rayures, ou des filtres UV et lumière bleue. Nikon BBGRE applique des revêtements nano-composites, qui peuvent demander l’application de 30 couches différentes.
Contrôle qualité : Chaque verre de lunettes Nikon passe par un contrôle qualité réalisé par un opérateur humain, pour assurer qu’il répond aux normes Nikon BBGR.
Emballage et distribution : Les verres sont ensuite emballés et expédiés aux opticiens chaque soir. Le transports nocturne permet de livrer le lendemain, et de respecter le délai de 48 heures.
BBGR est amené à monter certains verres dans les montures afin de proposer un produit fini. Ce service reste toutefois minoritaire par rapport à la livraison directe des verres, mais la progression est constante.
le début d’une suite de découpes automatisée
tous les déchets de découpe sont recyclés, de même que l’eau qui sert à la découpe
D’étapes en étapes le produit fini apparaît
le nettoyage dégraissage
l’application des nombreuses couches de revêtements de surface
mise en sachet et logistique finale
bientôt chez l’opticien!
Les verres de lunettes Nikon BBGR, une collaboration franco-japonaise
La collaboration entre BBGR et Nikon dans la fabrication de verres de lunettes Nikon en France, ainsi que les avancées de Nikon Hiraki Glass au Japon, sont un bel exemple de la fusion entre savoir-faire traditionnel et innovation technologique, qu’il s’agisse de l’entreprise japonaise comme de la française.
Cette synergie entre des entreprises historiques et des technologies modernes continue de repousser les frontières du possible dans le domaine de l’optique, démontrant l’importance des deux marques dans un univers très concurrentiel.
Merci à Nikon BBGR pour les nombreuses informations fournies et la possibilité de faire des photos de l’usine de Provins.
Vous trouverez des informations additionnelles sur les verres de lunettes Nikon sur le site dédié.
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Ce superbe article m’a appris plein de choses sur les verres que j’ai devant les yeux!
Je croyais Berthiot disparu, en fait il n’en est rien. Que des entreprises au passé prestigieux vivent encore, voilà qui m’en met « plein la vue ».
Votre article est très clair, je suis confortée dans mon choix (utilisant des optiques Nikon depuis 40ans) mais le délai est erroné, mon opticien me demande 10 jours de patience ! Merci pour votre publication .
Le délai est le bon, celui de l’opticien c’est autre chose, s’il ne suit pas les consignes et délais de commande.
Aujourd’hui le fait de finir au Japon le verres de lunettes est un endicap écologique laissant une emprunte carbonne négative. Dommage que tout ne soit pas réalisé à Provin. Donc je ne ferais pas partie des 1 sur 3 Français portant des verres Nikon.
Il faut lire avec attention. Les verres ne sont pas finis au Japon, mais calculés au Japon, hein ? ,)
Merci Jean-Christophe pour cet article très intéressant. Je fais partie des 1/3 qui portent cette marque de verre 😉 …
Voilà que j’apprends l’existence de cette usine si particulière pourtant située à 20 minutes de chez moi et dans une ville où je vais régulièrement, merci Jean-Christophe !
En plus, cet article met en avant l’un de nos savoir-faire et la façon dont sont conçus ces verres dont je ne soupçonnait pas le nombre d’opérations.
Bravo et merci pour ce bel article sur cette haute technologie industrielle!